HEY YOU! – Une histoire orale des Burning Heads

Au moment de boucler le zine #6 dont le sommaire a comme les fois précédentes été composé en s’inspirant de notes que je prends dans mon téléphone et sur un petit cahier en glandant, je me suis rendu compte que ma vision du punk rock était essentiellement américaine. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai demandé à Martial d’écrire sur la scène francophone que je connais très mal. Ca ne m’a pas empêché de complètement oublier les anglais (et évidemment pas mal d’autres pays mais on fait ce qu’on peut en 35 pages). Une chose est sûre, quand j’ai appris qu’un livre allait sortir sur les Burning Heads, il me paraissait évident d’en parler. Parce que ce groupe a, à sa façon, changé ma vision de la musique et imposé une américanophilie bien de chez nous qui a ouvert mes horizons de jeune angevin en 1998. Voilà donc un échange de mail avec les deux auteurs derrière la première biographie des Burning Heads. Nullement coupée ou censurée. Fleuve mais cool. 

 

1/ Vous pouvez raconter votre rencontre initiale avec les Burning Heads et leur musique ?

Guillaume Gwardeath : Je m’en souviens très bien. J’étais abonné au “club single” du label Black & Noir, d’Angers. Inspiré par une démarche similaire du label Sub Pop de Seattle, Black & Noir sortait des 45 tours qu’ils envoyaient à des abonnés. Contre un chèque de 90 francs, on avait droit à cinq disques. J’ai reçu le 45 tours directement dans ma boîte aux lettres ! C’était en 1990. Le premier morceau des Burning Heads que j’ai donc écouté est le morceau Hey You, celui de la face A. J’ai adoré, même si je suppose que j’étais pour ainsi dire convaincu d’avance, tant les fanzines que je lisais disaient déjà du bien de ce groupe de hardcore français. J’ai vu les Burning Heads en concert pour la première fois en octobre 92, au Théâtre Barbey, à Bordeaux, la salle qui est ensuite devenue la “Rock School Barbey” et dans laquelle j’ai ensuite longuement bossé. J’y programmerais d’ailleurs à mon tour les Burning Heads !

Sam : Un pote de mon collège, dont le grand frangin était ultra fan de la scène punk française à la fin des années 80 et début 90 (toute la vague punk alternative mais également d’autres groupes un peu plus rock), me passait quelques cassettes que son frangin lui copiait… J’étais personnellement plus branché par des trucs de hardos (hard rock, heavy, thrash, les tous débuts du death metal, et un peu de punk bourrin typé The Exploited et consorts) mais certains trucs qu’il me faisait écouter me branchaient (c’est grâce à lui que j’ai découvert Happy Drivers notamment)… Un jour, en sport, il me file le premier album de Burning Heads (l’année de sa sortie, en 1992). Autant te dire que ça m’avait vachement fait plus d’effet que les cassettes de Gogol 1er, des VRP, Wampas et Tulaviok qu’il avait essayé de me refourguer (sans y parvenir, quand même). Je ne les verrai sur scène pour la première fois quelques années plus tard, en 96, pour la sortie de l’album Super Modern World.

2/ Comment est venu ce projet de livre ? Et pouvez vous nous en dire un peu plus sur le contenu et le format ?

Guillaume Gwardeath : Je suis plutôt fébrile à l’heure où je réponds à tes questions, car nous avons attaqué le bouclage du livre, un moment propice aux doutes et aux assauts de stress. Le nombre de pages final dépendra de décisions éditoriales qu’il nous restera à prendre. Nous voyons se profiler à l’horizon un volume de plus de 350 pages (il en fait 500 au final-ndr). Nous avons confié la conception graphique du livre à Frank Frejnik, qui est selon moi l’homme de la situation : il publiait le fanzine Violence, il a travaillé pour la presse rock,  il était rédacteur en chef du magazine Punk Rawk, il a même activement participé à la sortie de disques des Burning Heads ! C’est un honneur de l’avoir à bord. Nous avons fait le choix d’un format “à l’américaine”, bien entendu ! Un format dit “US”, à mi-chemin entre A5 et A4. En tout état de cause, on se dirige plutôt vers un “gros” livre, pas un fanzine vite lu le baggy aux chevilles avec la chaîne du portefeuille qui traîne sur le carrelage des cabinets.

Sam : Lors d’un voyage aux Etats-Unis effectué il y a cinq ans, je me rappelle avoir évoqué à Guillaume une idée que j’avais en tête, une envie de  documenter la scène indépendante française des années 90 par le biais d’un documentaire. Interroger ses acteurs (musiciens, fanzineux, activistes, etc.) afin de proposer une vraie histoire orale, dans laquelle s’entremêleraient les voix de tous ceux qui ont pris part à cette aventure. On s’est vite rendu compte que la forme du documentaire imposait des contraintes techniques avec lesquelles nous n’avions pas trop envie de dealer… Déjà, il fallait un mec capable de « bien » filmer, de dérusher (brutal !) et de d’éditer le docu, pour pallier à nos incompétences techniques en la matière… Bref, l’idée a été écartée rapidement… mais est resté ce projet d’archiver et de documenter cette scène foisonnante et palpitante sous une autre forme. Un livre, par exemple. Puis l’idée a tranquillement glissé, au fur et à mesure que l’on creusait son sillon, sur une biographie en bonne et due forme des Burning Heads, puisque c’est un groupe qui personnifie à lui seul, en quelque sorte, ce que représente la scène indé française. Ils ont traversé les époques (de la scène oi! pour certains d’entres eux en passant par le rock australien, le hardcore originel, le punk rock, le milieu du skate, le reggae punk, l’electro punk, l’emo punk, etc.), ils ont côtoyé une grande partie des groupes français (fricotant autant avec la scène noise de l’époque, que la sphère rock indé, punk et hardcore au sens large du terme) et ont connu une carrière qui nous permettait de traiter de plein de sujets et problématiques différents ; une bonne manière donc, de ratisser assez large et de traiter de la scène française dans sa globalité, vu par le prisme de la carrière des Burning Heads. Le tout en suivant ce mode oral que j’avais pensé pour le documentaire… C’est-à-dire en laissant les principaux protagonistes en parler eux-mêmes (musiciens du groupe, manager, tourneur, label managers, techniciens, autres groupes croisés, etc.) dans un récit à plusieurs voix, parfois accordées, parfois moins… En ce sens, cette bio sur papier rejoignait mon idée originelle du documentaire. Plus globalement, je trouve que le genre « biographie musicale » est trop peu représentée en France pour les groupe de rock/punk ou de la scène indépendante/souterraine, contrairement à certains autres pays, alors qu’on a quand même quelques groupes qui ont été très importants, avec des grosses histoires. Et bon, en France, s’il y a un groupe qui mérite sa bio, c’est quand même bien les Burning.

 

 3/ Comment expliquez vous la longévité du groupe? En 2020, échappent-ils au circuit un peu nostalgie dans lequel pas mal de groupes de leur époque se sont engouffrés?

Guillaume Gwardeath : Je pense qu’ils ont pu durer notamment parce qu’ils ont toujours su s’accommoder d’objectifs modestes. Même à l’époque de leurs plus belles années commerciales sur le label Epitaph, ils ne paraissaient pas s’intéresser à leurs chiffres de vente. Il me semble qu’ils ont toujours été conscients de leur valeur et, pour le dire crûment, ils n’ont jamais pété plus haut que leur cul. Ils ont pu avancer, étape après étape, le long d’un chemin quelque peu improvisé mais au milieu duquel la frustration, la déception ou la rancoeur n’ont jamais surgi pour constituer un obstacle ou un motif d’abandon. En outre, de l’avis général, les membres des Burning Heads sont des mecs particulièrement cools, généreux, intègres et sincères. Sur le long terme, on peut croire que ce sont des qualités qui aident à tenir bon !

Je n’ai jamais vu les Burning Heads utiliser la nostalgie comme un outil marketing. Je pense qu’ils sont de toute façon assez éloignés de la notion même de “marketing”. Comme ils sont dans le circuit depuis longtemps, les Burning Heads sont suivis par des gens qui ont découvert leur musique quand ils étaient ado ou au summum de leur jeunesse et de leur virtuosité dans les skateparks ou sous la couette. Forcément, qui n’aime pas se rappeler cette époque et se faire d’agréables et inoffensifs shoots de nostalgie ? Si elle est authentique, la nostalgie n’est pas une émotion dégueulasse. Ce qui est triste, c’est de s’enfermer dans le passé ou de le glorifier de manière tronquée. Ressentir à l’âge de 40 ou 50 piges la même excitation face à un bon riff ou à un bon sing along qu’à l’âge de 20 ou 30 piges ne m’a jamais causé aucun problème. Ce serait même à mes yeux plutôt un signe d’être resté du bon côté de la Grande Horloge.

 

Sam : « Le circuit un peu nostalgie » ? Qu’est-ce donc ? Un groupe qui joue depuis 33 ans le même style musical, sans sauter sur toutes les hypes et autres courants éphémères  au fil des années, qui continue de fonctionner de la même façon, avec plus ou moins les mêmes outils qu’au début de leur carrière… n’est de toute évidence pas un groupe qui appartient au « circuit un peu nostalgie ». C’est un groupe qui a une ligne de conduite, tout simplement. Et bon, la nostalgie, ça devient un gros mot… mais il faut clairement le redéfinir. Je précise qu’il y a encore des gens qui respectent leurs passés, leurs choix musicaux de leur période ado’ ou jeune adulte, et qui avaient déjà un esprit critique articulé à l’époque et pour qui ça avait du sens d’écouter ce genre de musique. Donc continuer d’aimer ce qu’on aimait il y a 25 ou 30 ans en musique, en cinéma, en littérature et en BD, ce n’est pas de la nostalgie, c’est juste de la constance… et ça veut peut être aussi signifier une chose simple, à savoir : avoir un semblant de personnalité. Si les membres des Burning avaient décidé de se séparer et de monter durant ces 5 dernières années un « projet » post punk, new wave ou dark synth wave comme tout le monde semble le faire (et j’ai quelques exemples de mecs qui jouaient dans des groupes punk plus ou moins mélo dans le lot, ah ah !), je pense honnêtement que je n’aurais pas vraiment eu envie de passer deux ans de ma vie à écrire un livre sur eux. Enfin, tu vois ce que je veux dire. J’ai un énorme respect pour les gens qui assument leur passé, leurs goûts culturels et artistiques – en expurgeant toute trace de d’ironie et de cynisme – et qui respectent ce qu’ils ont été dans leur passé. Le punk mélodique est tout aussi noble que n’importe quel autre style qu’on nous ressert là en 2020 comme étant le top du cool… qui ne le sera plus dans quelques années.

Et bon la nostalgie… j’espère ne rien apprendre à personne en affirmant que le monde de la musique (quel qu’il soit, indé/underground ou mainstream), du cinéma et même de la BD est tourné vers le passé, non ?  Donc, avec ce genre de postulat, le terme même de nostalgie est complètement caduc.

3 bis/ C’est quoi la relation des BH à leur public? J’ai souvenir d’un concert d’eux il y a quelques années avec The Adolescents et c’était très mélangé en termes d’âge et de milieux…

Guillaume Gwardeath : Le public des Burning Heads se rajeunit… quand ils sont en tournée avec Le Peuple De L’Herbe. Je ne sais plus exactement où en est l’INSEE dans son calcul de l’âge moyen du public des Burning Heads, mais au doigt mouillé je dirais qu’on est aux alentours de 35 ans en SMAC pour ce qui est de la billetterie payante, et autour de 48 ans si on focalise sur les invités personnels du groupe notés sur la guest list. Relation au public : sincère, amicale, non feinte, chaleureuse avec toujours la possibilité d’obtenir un discount intéressant en cas d’achat groupé au stand de merch.

 

4/ A une époque BH ont été signé chez Epitaph. Vous savez ce que le groupe en a retiré? Est-ce que ça a vraiment changé quelque chose pour la carrière du groupe?

Guillaume Gwardeath : La raison principale pour laquelle le groupe a signé les yeux fermés avec Epitaph Europe, c’était pour bénéficier d’une promotion et d’une distribution à l’échelle européenne, et de ce point de vue ce fut une réussite. Thomas, le batteur du groupe, nous a répondu qu’Epitaph a considéré ne pas avoir atteint ses objectifs avec le groupe. Il faut dire qu’ils étaient ni plus ni moins à la recherche du “Offspring européen”. Ce que le groupe a retiré de cette expérience, je pense, c’est avant tout des opportunités de belles tournées sur les routes du Vieux Continent, et de nombreux noms supplémentaires dans un carnet d’adresse déjà bien épais !

Sam : Tout le monde dans la team des Burning est unanime sur ce point : les deux albums sur Epitaph Europe (qui n’a des liens qu’assez distants avec Epitaph US, ils le précisent bien aussi) leur ont permis de plus et mieux tourner, et de terminer les années 90, déjà bien généreuses et fastes pour le groupe, d’une bien belle manière… le bilan est donc à 100% positif. Durant ces années – Thomas le dit dans le livre -,  à l’étranger ils n’étaient plus forcément perçus comme un groupe français mais comme un groupe de l’écurie Epitaph. Le logo de cette écurie avait quand même un énorme pouvoir dans la scène punk d’alors. Ces deux disques leur ont permis de se faire une meilleure place sur ce terrain balisée par toute la scène neo punk américaine (post succès Offspring, Green Day, Blink 182), avant d’amorcer un virage, en terme de musique et de personnel (départ du guitariste Phil et du manager historique) et d’entrer dans leurs années « major », chez Sony. Une autre période très intéressante pour eux, pour d’autres raisons, et dans un autre contexte.

 

5/ Il y a peu de nouveaux groupes dans ce créneau hardcore mélodique (avec une certaine visibilité en tous cas), et pourtant j’ai l’impression que le public et les gens aiment encore les groupes de la vague historique. Qu’est ce qui explique ce désintérêt des musiciens pour ce style?

Guillaume Gwardeath : Même les Burning Heads ne jouent pas précisément du hardcore mélodique. Ils jouent du punk rock majoritairement hardcore, largement mâtiné de souplesses reggae. Le “hardcore mélodique” est devenu un style daté, ancré dans les 90’s et le début des années 2000. Les groupes de la vague historique attirent encore du public, oui, mais les groupes principaux uniquement, de la trempe de Bad Religion ou NOFX. Pour les seconds couteaux, j’ai bien peur que les temps soient devenus bien plus hardcore – sans adjectif. En France, je trouve que toute une frange du punk rock tel qu’il est joué par les groupes gravitant autour de Guérilla Asso a pris le relais. Quand aux jeunes, aux vrais jeunes, j’ai bien l’impression que tout ce délire de faire des groupes durables, de produire des disques, d’organiser des concerts, etc. est en train de leur passer bien au-dessus de la tête. Je suppose qu’ils font autres chose de leur life ? Peut-être qu’ils passent plus de temps au skatepark que leurs aînés ? Ils fondent moins de groupes mais ils skatent mieux ?

 

Sam : En effet, même à l’international, c’est une scène à l’agonie… car boursouflée par des codes qui ne sont plus en vigueur, très (trop ?) connotée année 90. Bad Religion et NOFX peuvent remplir une grosse salle, ensuite on retombe sur des groupes de clubs du genre Lagwagon, Face to Face, Strung Out, etc.  C’est un style typiquement américain, californien plus précisément… peut-être que ces codes faisaient davantage rêver les européens il y a 25 ans, quand il y avait encore une certaine forme de fantasme sur l’American way of life, avec les teenage movies, etc. Je pense que le rayonnement de l’Amérique sur le reste des pays occidentaux a pris un petit coup dans l’aile ces dernières années… c’est une culture qui fait moins rêver. Je pense que ça doit jouer. Et plus généralement, dans le milieu punk, les revivals privilégient les origines, la base, les trucs bien roots, avec une grosse street cred, les mômes adorent ça… et ce n’est pas le retour de la oi!, du street punk, et du hardcore youth crew qui va me contredire. Je vois mal les gamins se retaper un gros trip en singeant des albums de No Use For a Name, Pulley, Down by Law et Rhythm Collision ! Perso, je trouverais ça un peu plus intéressant que le grand retour de la oi! mais bon, ce n’est pas moi qui décide visiblement…

6/ 30 ans se sont écoulés depuis la formation du groupe (si j’ai bien compris). Comment vous voyez l’évolution des choses? Scène, underground, groupes…?

Guillaume Gwardeath : Tout évolue, tout se transforme. Si tu cherches un underground, tu vas le trouver. Des concerts qui ne rameutaient que 8 ou 12 motivés, même au coeur des années 90 les plus fantasmées, ça existait ! Je pense que Thomas des Burning Heads fait bien plus de monde en concert et vend bien plus de disques quand il est à la batterie pour Lion’s Law ou Komintern Sect. J’espère que les Burning Heads arriveront encore pendant quelques années à réunir deux ou trois centaines de spectateurs sur leurs dates. Parfois moins, parfois plus. Tant que la passion est là, ça me va. Et aussi, tant qu’à faire, du fun et de l’énergie. Perso, c’est la B.O. de ma vie depuis un bon moment. Ça me gêne pas que ça continue. On perd souvent du fric, on perd rarement son temps.

Sam : Tout a tellement changé… rien que le dire me fera passer pour un nostalgique je suppose, mais qui peut bien me contredire sur ce point? La façon dont les groupes se forment, répètent, jouent, tournent, se développent, enregistrent leur musique, la diffusent,, etc. On est dans un autre monde… où même le terme « punk » n’a plus beaucoup de sens, en tous cas pas celui qu’il avait à l’époque. Les Burning, eux, sont encore là, et ils font les choses peu ou prou de la même façon qu’à l’époque… et pour moi, en plus d’être une chose à laquelle je peux encore m’identifier, c’est une véritable force. Tu peux aimer ou pas leur musique, te sentir touché par leurs derniers disques ou pas, mais tu ne pourras jamais revenir sur la pureté de leur délire, l’impact qu’ils ont eu en France et le respect qu’ils inspirent à tout le monde. J’ai bien dit tout le monde, oui.

 

7/ j’imagine que vous êtes assez proches/potes avec les BH . Est-ce que c’est facile de rester objectif quand on raconte l’histoire d’un groupe de potes? (vous vous rappelez Lester Bangs « ne sois jamais pote avec les groupes que tu interviewes… »)

Guillaume Gwardeath : Je les ai longtemps côtoyés tout en étant relativement distant. On a sympathisé petit à petit. Le fait que le livre soit construit sur des interviews entrecroisées ne nous a pas autorisés à nous épancher pendant des pages et des pages sur notre vision strictement personnelle. On a prévu une petite ruse pour donner notre ressenti plus intime, façon twist de fin. Bien évidemment, on n’a pas censuré les propos de témoins qui, le cas échéant, n’ont pas mâché leurs mots. On vient d’intégrer ainsi au sein d’un chapitre les souvenirs de tournée d’un chanteur d’un groupe des 90’s qui les décrit en ces termes : “une bande de charlots défoncés à la techno et aux têtes de skunk par kilos entiers !” Bonne ambiance. Mais attention, il s’agit d’une biographie écrite en bonne intelligence avec le groupe Burning Heads. On a nul intérêt pour la polémique stérile ou la prise de bec gratuite. Que ce soit vivant, truculent et rock’n’roll, oui. Remuer pour chercher la merde, très peu pour nous, merci.

Sam : Idem, je les ai souvent croisés sur la route, ici ou là, ces 20 dernières années, avec mes propres groupes, sur des festivals que l’on partageait, ou alors même en ouvrant pour eux une ou deux fois… Je ne suis pas forcément timide, loin de là, mais avec eux, il y a un certain respect, naturel et évident, qui te remet à ta place. Les mecs sont très à l’aise sur la route… et ils ont tous leur propres personnalités… Dave Smalley de Down By Law souligne d’ailleurs justement ce point… Dans l’équipe, il y a du cabotin, du rigolard, du discret, de l’agité, du calme, du nerveux… Bref, c’est un groupe humain, qui vit sur la route, et qui est sur scène comme dans son local, chez lui quoi. Cette bio, on l’a écrite comme un livre que l’on aimerait lire sur le groupe… Tout ce que je peux dire, c’est que le livre est ultra détaillé et que chaque chapitre a son lot d’histoires marrantes et intéressantes. Le livre est à l’image du groupe : vivant et bon esprit. Et comme on l’a dit, c’est une histoire orale, racontée par eux et par les mecs qui ont travaillés avec eux, ou qui les ont croisés durant ces trente dernières années. Notre rôle à nous, c’était d’aller chercher ces mecs, plus d’une centaine, de leur poser les bonnes questions et d’en monter un récit bien construit, dense et palpitant. Le lecteur seul jugera si on a réussi à faire ce que l’on avait en tête.

8/ C’est quoi votre album du groupe préféré et pourquoi? 

Guillaume Gwardeath : Je peux écouter avec plaisir n’importe quel album du groupe, toutes périodes et tous styles confondus. S’il fallait vraiment choisir, je dirais peut-être Super Modern World, leur album de 1996, de par les souvenirs auxquels ils sont liés. Je l’avais acheté en 33 tours, et j’en avais aussi une copie faite sur une cassette vierge pour pouvoir l’écouter dans la voiture, avec ma meuf, en traçant sur les concerts. La version CD de leur premier album, paru en 1992, est aussi une pièce fétiche de mon muséum privé.

Sam : Les deux premiers albums, sans sourciller. Chaque fois que je les écoute, c’est un carrousel d’images qui tourne à fond dans ma tête, avec des visages, des voix, des scènes vécues ou fantasmées, des souvenirs, des mecs et meufs perdus de vue, des silhouettes, bref une belle tranche de vie appartenant au passé, croquée à pleine dent.

J’aime aussi beaucoup Be One with the Flames, qui me rappelle l’époque où je jouais dans un groupe affilié à la scène punk mélodique/emo core, qui essayait de suivre les préceptes des grands frangins Burning : on habitait tous ensemble dans un appart, on était souvent sur la route, on était bien wild et on en apprenait tous les jours… Le poster de la tournée Be One était mal punaisé sur le mur de notre cuisine dégueulasse et cet album squattait la chaîne pourrie qui était posée sur le frigo… « Gigi Pirate » ! Le titre de cette chanson m’a vraiment décontenancé, je dois l’avouer ! Pure song, by the way.

9/ Etant donné que le thème de ce numéro est « petites histoires du punk rock » vous nous lâchez une anecdote secrète qui concernent les Burning Heads?

Sam : Moi j’ai trouvé le segment sur leur passage chez le boss de Victory Records sur une de leur tournée ricaine assez délicieuse. Je n’en dis pas plus. Hilarant.

Guillaume Gwardeath : En 1994, pour enregistrer un album, les Burning Heads, avaient fait venir à Paris la légende grunge Jack Endino, l’homme qui avait enregistré Nirvana, mais aussi des groupes bien représentatifs de l’époque comme Coffin Break ou TAD. Un studio avait été réservé pour lui à Paris, le studio Blow Up, près de Bastille, qui appartenait à Métal Urbain. Jack Endino a bossé du mieux qu’il a pu mais il s’est senti un peu perdu en terre étrangère sans ses effets ou ses écoutes. A la toute fin de la session, il aurait fini par faire cette proposition : “Bon, les gars, j’ai vraiment passé du bon temps. Je vous aime beaucoup. J’ai conservé le huit pistes qui a servi à enregistrer Bleach, le premier album de Nirvana. Il est dans mon garage. Si un jour vous voulez me donner une chance de faire sonner votre musique encore mieux, on peut faire ça à maison. Comme ça a même si vous n’avez qu’un petit budget, vous serez les bienvenus.” Les Burning Heads allaient-ils traverser l’Atlantique pour aller enregistrer à Seattle sur le matos de Nirvana ? Vous le saurez en lisant Hey You! – une histoire orale des Burning Heads.

Jack Endino à Paris

Le livre « Hey You! Une histoire orale des Burning Heads » rapportée par Guillaume Gwardeath et Sam Guillerand, sortira le 30 octobre chez Metro Beach. Précommandes déjà ouvertes.

Des événements sur la route pour se procurer le livre en avant-première et rencontrer les auteurs :

• samedi 17 octobre à Nantes (44), aux Fleurs du Malt, de 17h à 20h
• mercredi 21 octobre à Tours (37), au Bateau Ivre (avec des membres du groupe)
• vendredi 23 octobre à Limoges (87) , à Undersounds
• samedi 24 octobre à Périgueux (24)
• samedi 7 novembre à Agneaux (50)
• dimanche 8 novembre à Boulogne-sur-Mer (62)
• mardi 17 novembre à Besançon (25)
• mercredi 18 novembre à Lyon (69)
• jeudi 19 novembre à Annecy (74)
• samedi 21 novembre à Saint-Etienne (42)
• jeudi 26 novembre à Toulouse (31) – sous réserves de situation sanitaire
• vendredi 11 décembre à Bordeaux (33)
• samedi 27 février 2021 à Poitiers au Confort Moderne / La Fanzinothèque (86)

ADRIEN DURAND

Cet article est tiré du zine papier #6 Le Gospel consacré aux « petites histoires du punk rock », épuisé mais disponible en PDF gratuitement par là. 

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