Vaagues de chaleur: « c’est parce qu’on ne peut pas avoir une vue d’ensemble de ce qui se fait à Paris que ça reste excitant. »

 

A quoi ressemble la musique indépendante (la vraie hein, pas celle qui a des bureaux de 200 m2) en 2021? Globalement au monde en flammes de 2021: production de vinyles suspendue par une chouette alliance pénurie de matière première/ chaîne de production hackée par les majors, public aux abonnés absents (comme si une partie des gens avait oublié qu’on pouvait sortir dans le vrai monde), embouteillages de concerts et festivals dont les prix augmentent comme le reste et difficile renouvellement des générations dans les structures DIY (pas mal de kids préférant sauter la case associative pour se lancer directement dans la start-up nation de la musique avec la complicité de leurs aînés).

Heureusement, ce contexte un peu morose est toujours l’occasion de voir éclore des alternatives, qui semblent aujourd’hui encore plus vitales et précieuses. Il faut un sacré courage pour se (re)lancer dans le bain de l’orga de concerts à but non lucratif ces temps-ci et on ne pourra donc que saluer la démarche du collectif francilien Vaagues de Chaleur qui inaugure ces jours-ci ces premiers événements autour d’une ligne artistique joyeusement éclatée et anti-commerciale. Je leur ai envoyé quelques questions par mail à une petite semaine de leur première orga.

 

Vous pouvez vous présenter en quelques mots?

Cet été pendant les vacances on s’est retrouvé coincé.e.s dans une vague de chaleur en Italie. Elle s’appelait LUCIFER. Le chaud c’est à la fois un truc cool et probablement aussi un truc qui va tous nous faire crever d’ici peu de temps. C’est à la fois une célébration, et aussi une façon de combattre le signe indien que de s’approprier son nom. Le réconfort ou la létalité sont deux qualités qu’on trouve dans la musique. Ce dualisme nous parle. Et plus prosaïquement en fait on va juste organiser des concerts et des teufs, pour le moment. La suite, on verra. 

Comment on se retrouve à monter une orga de concerts après presque 2 ans de pause forcée dans le secteur?

Tout simplement en la fantasmant pendant tout ce temps. On a eu le temps de bien se faire chier, de rêver de refaire des choses, de se demander ce qu’on aimait vraiment faire, de sentir ce qui nous manquait vraiment. Depuis la rentrée de septembre 2020 on avait vraiment les crocs. Ce qu’on aime est assez simple créer des moments ou les gens se retrouvent, artistes, publics, orgas.

Est-ce que vous avez une ligne de prog, une éthique particulière?

La ligne de prog va être dans la foulée de ce qu’on a tou.te.s fait jusqu’ici…. on a tou.te.s été engagé.e.s dans des choses très différentes, par passion ou dans le boulot. Avec les quelques personnes qui composent ce collectif, on rassemble des expériences dans/avec ces structures : Villette Sonique, Espace B, Petit Bain, Mauvais Magazine, Nuits Sonores, Kongfuzi Booking, Le Sucre, La Station, Baignade Interdite, S.K. Records, Teriaki Festival, Hatch Asso, Point Ephémère, Le Périscope, Humanist S.K. Festival, Arrière(s)-Gardes entre autres… Ça donne un temps d’exposition important à beaucoup de musiques et formes d’arts différentes, qu’on aura envie de retrouver dans Vaagues de chaleur ~~

L’éthique se trouve du côté de la volonté de donner du « temps de parole » si possible de qualité aux artistes qu’on kiffe. C’est pas facile de tourner, et encore moins dans des bonnes conditions quand tu fais une forme d’art spécifique, qui touche pas une communauté de la taille de celle de Kendrick Lamar ou même celle de A.G. Cook. On sait tou.te.s que c’est pas la taille de l’audience qui fait la qualité d’une œuvre, mais bon souvent malgré ces belles paroles au final c’est pas simple quand même de jouer dans des bonnes conditions ou rencontrer son public. On aimerait bien aider à ce niveau, pour contribuer au maintien de la diversité.

J’ai cru comprendre qu’il y avait des gens qui vous filent des coups de main. C’est important cette énergie collective pour vous?

 On ne sait pas exactement comment tout ça va se développer et en vrai tant mieux, en restant ouvert ça reste excitant. On pense ça comme une petite équipe nébuleuse ouverte à plein de collab au coup par coup. Ce concert de FUJIIIIIIITA et Amosphère on le fait avec notre vieil ami Alexis Paul qui fait Le Salon Volant/Plein Jour (nouveau petit lieu chaleureux à Bagnolet) et avec Julien de Souffle(s) Collectif qui organisait beaucoup de concert à Saint-Merri. Et c’est super de sentir ce truc collectif justement. 

Et même entre nous, pour le moment on est une petite cohorte d’activistes heureux.se.s de faire des choses ensemble. Ça peut paraitre vague et évident mais il y a six mois c’était pas si évident.

C’est quoi votre vision de la culture underground/DIY parisienne? Comment vous voyez l’évolution des choses? Leur futur peut-être?

 Franchement on ne sait pas quoi répondre à cette question. Faut rester un peu humble, il y a tellement de gens et de choses qui se passent en même temps, on est pas sûr qu’on sache grand chose en fait de ce qu’il se passe dans cette ville. Il y aura toujours une soirée qui t’échappe, un nouveau groupe/des nouveaux artistes qui défoncent, un nouveau squat, des disciplines ou des esthétiques que tu découvre 3 ans après. C’est parce qu’on ne peut pas en avoir une vue d’ensemble que ça reste excitant.

 

Vous pouvez nous parler de votre premier événement ? Et de vos projets?

Le 27 octobre il y a un concert magique de musiques expé/éléctroniques avec FUJIIIIIIIIIIIITA (un musicien japonais qui vient pour la première fois en France et qui joue une musique saisissante sur un orgue qu’il a construit lui-même !), Amosphère (une musicienne chinoise qui vit à Paris depuis plusieurs années, elle jouera du modulaire ce soir là mais elle évolue également dans le champs des arts visuels) et Stephen O’Malley (Sunn O))), collaborateur de Gisèle Vienne, de feu Peter Rehberg, KTL…) viendra faire un petit DJ Set en fin de soirée, on avait repéré qu’il suivait Fujita depuis un moment, sa présence nous honore et on espère qu’elle aidera à amener la lumière sur ces artistes plus jeunes. Le lieu est magnifique, il portait le nom de la Générale avant, avenue Parmentier.

 

Le 10 novembre, la release party aux Nautes du split UJ Bala (musicien hongrois qu’on avait déjà invité sur le festival Espace Barré) et Carrageenan (Bruxellois, croisé notamment dans Pizza Noise mafia) et les DJ d’HTS records spécialistes ès Club Music pour nous matrixer en cette veille de jour férié.

Le 19, il va y avoir un moment excellent au Sample (un de leur premier événements en intérieur) à Bagnolet où six performeur.euse.s solo vont jouer sur un sound system construit par Edouard Ribuyo aka C_C (que vous avez peut-être vu aussi dans le projet OD Bongo avec Somaticae) : Meryl Amp, Deeat Palace, Tresque, C_C, Pierce Warnecke et O.R.B.M.

Les concerts de l’automne seront à la frontière entre les musiques éléctroniques, expérimentales et l’art sonore, l’hiver sera le moment d’un fest de folk et musiques chaudes en collab avec Petit Bain, puis un fest surtout autour des lieux qu’on aime à Paris avec une prog très locale à la fin de l’hiver et pleiiinn d’autres choses. Et surtout à balle de R O C K, tout le temps.

Vous pouvez rejoindre le groupe Vaagues de chaleur ici.

Le premier concert de l’orga se tient donc le 27 octobre .

 

Article Précédent

Pain Teens: serial killer, mais qu'est-ce que c'est?

Prochain article

Une compilation subjective des meilleures BO de tous les temps

Récent