Je l’évoquais ICI il y a quelques jours: la mode des lives aux synthés modulaires s’explique finalement assez simplement. Elle est une réponse à l’obligation, faite par le public et les professionnels, à ceux qui produisent la musique électronique de jouer quelque chose EN VRAI sur scène, d’éclairer la genèse de leurs sons, bref d’incarner leur travail, aussi impalpable et abstrait qu’il puisse être. Humains après tout.
D’incarnation, il en est justement question avec le travail de la musicienne américaine Emily A. Sprague, dont le toujours impeccable label RVNG Intl. réédite ces jours ci deux EPS en versions enrichies: Water Memory/Mount Vision. Originaire des Catskills et installée désormais à Los Angeles, la jeune musicienne (qui mène aussi le projet dream folk Florist) explore des paysages sonores qui laissent une place au hasard, aux soupirs, aux silences, à mille lieux d’une musique ambient bouffée petit à petit par une tendance maximaliste un peu fatigante (pas loin finalement de la destinée qu’a pu connaître la techno minimale il y a quelques années).
Une expérience du temps suspendu aux vertus presque sophrologiques, dont on ressent sans que l’on comprenne trop pourquoi la part de chair humaine qui bouge les boutons et les fils de couleurs. La musique de Sprague ne joue pas très loin des travaux récents de Suzanne Ciani, dans une version plus boisée, ensoleillée, et moins drone ou des petites cartes postales sonores de Hiroshi Yoshimura. Autrement dit: une bénédiction.