Je ne me suis jamais reconnu dans l’appellation de “fan”. J’avais considéré jusqu’à récemment avoir un recul tout à fait sain vis-à-vis des artistes responsables des œuvres que j’aimais. Je n’ai pas ce qu’on appelle une “connaissance encyclopédique”, je n’écoute bien souvent qu’un ou deux disques de mes groupes préférés, considérant qu’ils sont attachés à une émotion relativement fugace elle-même liée à un espace et un temps que je me plais à reconvoquer. Ceci explique que j’écoute régulièrement les mêmes disques de Hole, REM, Fugazi, Aphex Twin ou John Fahey sans me préoccuper du reste de leur œuvre. Et que je suis un piètre cinéphile ou critique littéraire.
Certains font un bilan de compétences. Ces dernières années, j’ai plutôt fait un bilan de ma consommation esthétique (ma plus grande compétence étant probablement d’écouter de la musique) et il a bien fallu que je m’avoue avoir avancé dans la vie en partie guidé par des artistes, leurs légendes plus ou moins avérées, leurs images publiques et les projections dont j’éclaboussais leurs photos (ça fait un peu sexuel dit comme ça). Fils putatif ou copie carbone plutôt que fan (un “follower” dans un registre religieux plus que digital), concerné autant (si ce n’est plus) par le storytelling et la fiction que par le contenu des oeuvres. Actuellement, il y a beaucoup de choses qui bougent, de lignes qui s’effacent, d’autres qui se renforcent. Je n’ai pas envie de m’exprimer publiquement sur la cancel culture ou la frontière entre l’artiste et l’homme parce que j’ai l’impression que ces problématiques existent et sont étouffantes justement parce que ce sont toujours les mêmes voix que l’on entend depuis des décennies. Il faut savoir se taire parfois. Ce que je fais sur ces sujets en espérant laisser un peu plus d’espace aux personnes légitimes.
Depuis ma position de penseur do-it-yourself ou de journaliste plus ou moins amateur, il me semblait pertinent d’ausculter les mécanismes d’identification qui me (nous) font aimer certaines oeuvres et finir par calquer certains idéaux, rêves, utopies sur les destins fracassés d’idoles issues de l’underground et de la pop. C’est ce que j’ai essayé de faire dans Tuer nos pères et puis renaître en empruntant plein de chemins de traverses (la fiction, la non-fiction, le journal intime), en déconstruisant des mythologies un peu empoisonnantes et en posant un regard aussi franc que possible sur mes presque 20 ans passés dans des salles de concerts et de cinéma.
Voici quelques balises de ce nouveau livre qui, je l’espère, vont donneront envie de le lire. Et peut-être de vous poser, vous aussi quelques questions.
Infiltré
L’écriture de ce livre a commencé avec mon obsession pour Al Pacino. Initialement, j’avais travaillé sur un texte racontant mes années de larbin dans des galeries d’art parisiennes, à une époque où je calquais une sorte d’attitude mi-bravache mi-fragile sur la masculinité en apparence déconstruite du héros de Serpico, Un Après-midi de chien et Cruising. Avant de me rendre compte que la personne derrière l’acteur était probablement plus proche de Scarface. Pacino a souvent joué les infiltrés. Et c’est surtout en cela que je me reconnais aujourd’hui en lui.
Celle qui n’avait rien demandé à Salinger
Comme beaucoup de gamins nés au XXème siècle, j’ai eu envie d’écrire et voir le monde en grande partie à cause de Salinger et son Attrape-Coeurs. Au hasard de mes recherches, je suis tombé sur l’histoire de Joyce Maynard et cette photo totalement hypnotisante. Il s’agit de la couverture d’un magazine accompagnant une lettre envoyée en 1972 par la jeune femme (18 ans alors) au New York Times. Le point de départ d’une relation toxique avec Salinger, alors déjà célèbre écrivain reclus. Un récit qui m’a fait beaucoup réfléchir et mettre en question la tectonique des plaques dans les relations amoureuses.
Ballet Violence
Un de mes meilleurs amis m’a suggéré d’écrire sur la relation unissant Booba et Kaaris en apprenant que j’avais un projet sur les pères. C’était une idée vraiment intéressante que j’ai transposée dans un récit fantastique aux confins de l’horreur.
Brûle bébé brûle
Je fais partie des gens qui pensent tous les jours de leur vie à leur mort. A une époque, je pensais aussi presque chaque jour à Gram Parsons et ce que ses amis avaient fait pour lui (de lui) après l’overdose qui lui a coûté la vie.
Vincent Gallo is a piece of shit
« Vincent Gallo is a piece of shit » c’est une phrase tirée d’un bouquin écrit par Asia Argento que j’ai lu étant ado. J’ai toujours rêvé d’interviewer l’acteur/réalisateur/musicien. C’est chose faite, d’une certaine façon.
Un petit pétard à la Géode
Quand on travaille assez longtemps dans la musique, on fréquente les artistes qu’on aime dans des contextes différents. Un jour, on accompagne Oneohtrix Point Never défoncé à la weed pour un concert dans un planétarium. Le lendemain, on le voit se métamorphoser en star de la musique expérimentale mainstream (si une telle chose existe vraiment).
ADRIEN DURAND
Tuer nos pères et puis renaître sort le 2 mai prochain. Vous pouvez le commander ici ou chez vos libraires de quartier.