Au milieu de l’été, quelque part entre l’affaire Benalla et les péripéties d’un braqueur cinéphile, un autre scandale pointait son nez il y a quelques jours et il concernait cette fois une musicienne: Chris(tine & The Queens). Un certain Christophe Pusset, allure de Pascal Brunner (RIP) et fan de « jukes boxes », postait sur son compte Facebook une vidéo en forme révélation. Scandale donc: son morceau « Damn, Dis moi » aurait pour base trois boucles fournies avec le logiciel Logic (299,99 euros sur le marché nous apprend l’Express), utilisé par un paquet de musiciens plus ou moins confirmés.
500 000 vues de son petit montage et un paquet de commentaires plus tard, c’en était fait du sort de la musicienne française: « Christine tu n’es plus une Queen » (wow!). Repris ensuite par une majorité de médias nationaux, cette polémique de cour de récré était exploitée à son maximum et aboutissait au constat suivant : on ne peut pas parler de plagiat puisque les boucles sont fournies avec le logiciel et donc libres de droit.
En lisant quelques uns de ces papiers, je me suis rendu compte du sous entendu malsain qui existait dans ces discussions au demeurant pas bien passionnantes. Christine serait « fainéante » (L’Express toujours) et aurait une « inspiration douteuse » (L’Obs). Vous l’aurez compris: elle ne serait pas « vraiment » musicienne. Enfin peut-être que si mais un peu moins que les autres, ceux qui jouent vraiment de leur instrument, comme par exemple (au hasard) Christophe Pusset ou je ne sais pas, les hommes par exemple.
Il est tout de même assez drôle de constater que personne n’a jamais blâmé PNL d’avoir sorti un album bourré de type beats choppés gratuitement sur le web. Personne n’a estimé quand David Gilmour a commis cette immondice en partant du jingle de la SNCF qu’il fallait jeter aux ordures toute la discographie de Pink Floyd. Et en allant plus loin, on a même célébré le pouvoir de subversion méta de Death Grips qui basait sa musique sur des samples de vidéos Youtube.
Ce morceau est donc construit sur trois boucles fournies avec un logiciel. C’est au choix une énorme carotte de Dam Funk, cachetonneur qui a contribué à sa production. Ou un geste qu’on pourrait juger pop et donc méta: à savoir utiliser un kit sonore ready made et en faire un tube radio. Je n’ai même pas envie de savoir le pourquoi du comment. Parce qu’au fond je m’en fous de Christine. Ce morceau est un énième truc fadasse de r’n b à l’eau tiède qui n’a pas 5% de la grâce d’Aaliyah ou du bagout de Rick James. Le souci c’est que personne ne s’est posé la question. Christine, une femme musicienne, utilise trois boucles dans un logiciel de MAO et on au saute à la case guillotine: elle ne mérite pas le statut d’artiste/productrice/musicienne. Au secours.
Faites le test: ouvrez Ableton Live, écoutez les samples fournis avec le logiciel, faites un tour sur n’importe quel site techno anglais ou allemand et écoutez les morceaux de vos producteurs préférés. Vous allez sûrement reconnaître une ou deux snare un peu Ableton par ci par là.
PS: j’aime pas trop ta musique Christine mais tant que tu feras un peu chier tous ces phallocrates, tu as mon plein soutien.