Voici quelques mots sur 4 disques et un livre sur lesquels je m’étais promis d’écrire fin 2022 et que vous avez peu de chance d’avoir croisé dans les tops de fin d’années des autres médias.
AVIONS : I Love this game
S’il y a bien un truc que j’aime en plus d’écouter de la musique et dire du mal de notre gouvernement (je devrais dire « votre », mais c’est une autre histoire), c’est bien le basket. J’aime y jouer et aussi beaucoup regarder les autres y jouer. Et que cela soit Kevin Durant, ma fille de 8 ans ou mes copains essouflés par la clope, j’ai le même plaisir à les regarder dribbler. A bien des égards, j’ai le même rapport au rock à guitares. Que cela soit Black Sabbath, Frusciante, un mec sur la plage ou des vingtenaires qui s’évertuent à monter des groupes alors que l’industrie entière leur dit d’arrêter, j’ai toujours autant de plaisir à écouter des chansons jouées à la guitare. Plutôt que de continuer d’attendre un hypothétique retour à la raison de Weezer (cité sur leur pochette, je crois non?), je vous propose d’écouter le nouvel album d’Avions, trio lyonnais garage pop punk. Un disque très efficace qui semble vouloir draguer en même temps les fans de Jay Reatard que ceux des Descendents. Prod légère comme un chamallow, voix désabusée, gimmick 80’s, tentations stoner Razmoket et ambiances piquées au Bronze de Buffy, on navigue en pleine régression rébellion. Et qui a dit que c’était mal?
EDH : ses disques valent mieux que leurs profits
EDH fait partie de ces artistes que je suis toujours avec attention tant ses disques continuent de cultiver leurs particularismes et de nager à contre-courant des modes et des facilités. Ce Doomed Alizé pourrait de prime abord donner l’impression de prendre en train la vogue actuelle un peu vaine de l’ambient. Ce serait aller un peu vite en besogne tant les pistes noires de cet album évoquent beaucoup plus les amours cold wave de l’artiste. Une musique froide ici décharnée, désossée à l’extrême, hantée par des réminiscences electronica et indus. Mises bout à bout, elles évoquent un long cheminement cinématographique qui donne l’impression qu’on a mis Julee Cruise et Muslimgauze dans un train fantôme.
RUSH TO RELAX : Rocket to Macedonia
Si comme moi vous faites partie d’une génération traumatisée par le rock chanté en français et que vous êtes à la recherche de sensations linguistiques, je ne peux que vous conseiller de vous ruer sur cet album de Rush To Relax, chanté en macédonien. Musicalement, le groupe y évoque un axe Glasgow, Los Angeles, Christchurch doré à l’or fin. Indie pop suave qui jangle à tous les recoins, Rush To Relax met une petite claque aux bons élèves ricains type DIIV et ne donne envie que d’une chose : aller faire du surf en Slovénie (où vit le groupe, je sais bien que ce n’est pas en Macédoine, tsé).
COURTNEY AND THE WOLVES : le nombril de la bête
Le mec qui chante sur ce disque boit-il une grande tasse de goudron le matin? J’ai fini par me le demander en écoutant l’album de Courtney And The Wolves. Dark grunge pas Instagrammable pour un sou affiné au garage psyché boueux, ce Decade brille par ses tubes brûlants (Time) autant que par son yéyé camé (Fever) ou ses love songs malsaines (Sight). Vachement mieux et beaucoup plus authentiques que tous vos trucs à la mode.
La Fugue Thérémine de Emmanuel Villin
Je ressens toujours une pointe de méfiance envers les gens qui écrivent des romans en décalquant des faits historiques (à mort les grosses ficelles et les réacs déguisés en auteurs de fiction) . Je suis bien content d’avoir mis de côté mes a priori pour lire La fugue Thérémine, un efficace texte qui retrace la destinée de Lev Termen, l’inventeur du thérémine entre les USA et l’URSS. Porté par une écriture sobre et une construction narrative extrêmement fluide, ce roman se lit à la fois comme un thriller politique et une épopée musicale. On y découvre aussi entre les lignes une passionnante évocation des tensions entre l’art et la technologie sur fond de course à l’innovation. Et pour ne rien rien gâcher, l’auteur y glisse quelques références musicales savoureuses. Rien à jeter.
ADRIEN DURAND