Tom DeLonge (Blink 182) est-il vraiment notre meilleure chance face aux aliens?

C’est déjà la fin de cette année apocalyptique et nos regards se tournent plus que jamais vers le ciel en quête d’une porte de sortie ou d’un signe de vie. Le moment idéal pour lancer notre série « Les aliens existent » qui explore en cinq épisodes les relations entre musique et vie extra-terrestre. 

Fondé dans la cour d’un lycée de Poway en 1992 par Tom DeLonge et ses camarades Mark Hoppus et Travis Barker, trois ados rongés par l’ennui, Blink 182 a épongé quelques galères de rigueur mais n’a finalement pas trop trainé avant de se muer en mascotte d’MTV, du pop punk californien et des conventions de tatouages américaines. Leur deuxième album Dude Ranch score le million de ventes à travers le monde en 1997 et met sous le feu des projecteurs un trio au potentiel de conneries en tout genre plus élevé que la moyenne. Pendant une décennie, ils égrènent leurs hits tout en incarnant cette image d’une adolescence tardive et androcentrique, située quelque part entre American Pie et Jackass où les apparitions dans l’un comme dans l’autre semblent évidentes. Blink-182 brille par son immaturité et sa spontanéité, sa candeur déconcertante tapie dans l’ombre de refrains régressifs et fédérateurs, le trio enchaîne les hymnes et installe confortablement sa petite discographie dans les bowls de skate du monde entier.

Dans Enema of The State, cinq fois disque de platine en 1999, ils balancent  Aliens Exist . Entre deux vannes scatos, l’histoire d’un petit garçon s’inquiétant de visites nocturnes passe plutôt inaperçue. Tandis que le trio poursuit sa conquête du monde, DeLonge et Barker s’essaient parallèlement à autre chose et forment Box Car Racer, influencé par leur découverte tardive de Fugazi et Quicksand. Un seul album éponyme aux parfums emo et post-hardcore verra le jour en 2002. DeLonge y extériorise ses idées sombres, loin des blagues sans fin de son groupe d’adolescence. Si les fans et les autres membres du groupe voient la menace pointer, l’intéressé nie en bloc et clame à qui veut l’entendre que Blink ne se séparera pas. Le mal est fait, DeLonge, jusqu’à là emprisonné dans cette image de gamin attardé se projette maintenant ailleurs. Tandis que les esprits s’échauffent jusqu’à aboutir à une mise en pause du groupe en 2005, il garde David Kennedy, le guitariste de Box Car Racer, et créé Angels and Airwaves, un nouveau side project aussi dément qu’ambitieux de rock de stade. Il livre à travers cinq albums studio, des courts et longs-métrages une vision du monde et de la société gorgée de science-fiction, de désir de conquête spatiale, d’amour et de combats intérieurs, un projet au point de rencontre de U2 et Armageddon, annonciateur d’un tout nouveau chapitre.

Nous sommes en 2015, et Tom DeLonge, qui jusqu’à là tentait de maintenir le cap avec ses deux formations, se fait remercier pour de bon de Blink-182.

Le virage bien amorcé, il lance un petit empire qui taie son nom: la société To the Stars  comporte -entre autres- son label, sa maison d’édition, ses marques, sa boite de production et, depuis 2017, la branche  To the Stars… Academy of Art and Science  dédiée à la recherche ufologique. Sa petite équipe composée d’anciens de la CIA et du Pentagone, d’ingénieurs et de scientifiques attaque fort en leakant des vidéos infrarouges enregistrées en 2005 et en 2015 sur lesquelles de mystérieux objets volants sillonnent un écran d’observation de la Marine, commentées par les voix hallucinées de deux pilotes. Dans la foulée de cette publication, le New York Times révèle que le Pentagone a mené en secret une mission de recherche (AATIP pour Advanced Aerospace Threat Identification Program) sur les OVNIs entre 2007 et 2012 avec un budget de 22 millions de dollars. Ces révélations en pagaille ont poussé la Navy à confirmer l’authenticité de ces images et qualifier leur contenu de « phénomène aérien non identifié ». C’est peut-être un détail pour vous, mais cette terminologie veut dire beaucoup pour les enquêteurs d’une vie extraterrestre, particulièrement dans ce contexte d’observation avec de la technologie de pointe.

DeLonge décroche le prix de « chercheur de l’année » en 2017 lors du Congrès International des OVNIs, fidélise des ufologues et complotistes en tout genre à grands renforts de mystérieux tweets sur des informations sensibles qu’il détiendrait, et laisse une question à moitié suspendue : comment To the Stars s’est procuré ces images? Si la société affirme qu’elles ont été déclassifiées par le ministère de la Défense américaine au moment de leur diffusion, l’Institution s’en est défendu. Quant à l’AATIP, elle fut dirigée par l’officier Luis Elizondo qui clôture sa mission par une lettre de démission dans laquelle il proteste, entre autres, contre la question du secret concernant leurs découvertes. Ni une ni deux, l’homme s’engage auprès de DeLonge qui le nomme directeur de la sécurité globale et des programmes spéciaux au sein de To the Stars.

L’équipe moteur de To the Stars est à la fois influente, consciencieuse et crédible. Ensemble, ils font converger tous leurs efforts pour professionnaliser les recherches sur une vie extraterrestre et faire sauter le verrou secret défense attaché sur ces sujets par le gouvernement. Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, l’insatiable DeLonge renoue avec la télé et lance la série documentaire au montage épileptique Unidentified, diffusée depuis l’été 2019 sur History Channel; dont les deux saisons entendent exposer les programmes secrets du gouvernement dédiés au sujet.

De pair avec l’enquête, l’obsession intersidérale le pousse à investir toujours plus dans la recherche et le développement high tech. Coûte que coûte, To the Stars  arriveront avant tout le monde à faire éclater à la face du commun des mortels l’existence d’une autre vie qui peuplerait notre galaxie. DeLonge n’est pas le premier jusqu’au-boutiste fortuné à nourrir cette ambition non dissimulée de conquérir l’espace. Si l’ex-guitariste se bat pour la vérité, d’autres allumés entendent quant à eux s’approprier le champ d’expertise d’un voyage dans l’espace, Richard Branson, Jeff Bezos et Elon Musk en tête de file. Cette ruée vers le ciel et ses incertitudes fera-t-elle du premier arrivé, enfin, l’homme le plus puissant du monde ?

Ou alors la vérité est complètement ailleurs et DeLonge, en fin stratège, tenterait de faire oublier qu’il fut un jour habité par la Tourette (« Shit piss fuck cunt cocksucker motherfucker tit fart turd and twat / I fucked your mom / And I want to suck my dad / And my mama to », Family Reunion, 2000). En 20 ans, DeLonge a réussi à troquer sa paire de baggy-shorts pour un costume plus serré d’expert qui l’a amené à signer avec l’armée américaine un contrat engageant sa société jusqu’en 2024 dans des recherches toujours plus poussées. Depuis son premier pas de côté avec Box Car Racer, redoublant d’effort et d’auto-conviction, Tom DeLonge a trouvé une sortie de route qui l’a emmené loin, très loin d’une collab avec Steve Aoki et s’est peut-être bien offert à temps une chance de sauver sa crédibilité, mais surtout sa popularité. En attendant, lui, comme ses anciens camarades n’ont jamais cessé de raconter la même histoire sur cette hantise de la vie d’adulte. Car cela n’aura échappé à personne, c’est particulièrement dur de vieillir dans le pop punk.

MORGANE DE CAPELE

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Illustration: Ben Lupus pour Le Gospel

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