Ceci n’est pas un album de remixes

 

L’album de remixes, voilà un format bien étrange quand on y pense. La musique produite est un bien précieux (au moins aux yeux de son auteur). L’offrir en pâture à d’autres artisans peut être au choix violent, surréaliste ou un peu inconscient. On balance ses stems, ses reverbs mal calées, ses cracks de logiciels et ses tics de production (tout le monde en a, je ne juge pas). Et puis, on attend le résultat. Quelqu’un s’est fait passer pour vous. Il marche comme vous, s’habille comme vous mais il y a quelque chose de différent. Le remixeur a bloqué sur une snare, un gimmick de synthé, un truc que l’auteur du morceau originel trouvait accessoire. Et puis, il en a fait le noyau central d’un nouveau morceau. Qui lui appartient un peu.

Avec son titre ambivalent et sa pochette qui m’avait beaucoup plu, j’ai abordé l’écoute de ce Reworks of Silence de Enir Da (artiste que je ne connaissais pas) avec l’innocence de celui qui déguste un disque camouflé dans un onglet de son ordinateur. Je n’avais aucune idée que les morceaux assemblés ici par le label parisien Too Soon Tapes étaient des « reworks ». Il faut parfois apprécier les oeuvres exposées sans médiateur en t-shirt siglé et sans lire le cartel.

Ici, on navigue dans une musique électronique sombre et hypnotique, étrangement humaine. J’ai souvent dit que la club music à tendance industrielle ne m’émouvait pas. Sur cet album, on est loin des bad boys en perfecto obsédés par Muslim Gauze mais plutôt dans une forme de bayou synthétique chaud et sale, à l’image du bien nommé Dirt revisité par Andreas Reihse (membre fondateur de Kreidler) ou de Gusk décharné par le français Kenuwefa, moments forts parmi d’autres.

Il règne sur cette compilation de relectures un étrange sentiment d’unité narrative qu’on attribuera au choix du casting ou à la puissance de l’univers de base. On ressort en tous cas avec l’envie de découvrir le disque original, le très prenant Silence dont la richesse (post punk organique et/ou électronique, intentions noise rock, minimalisme et fragilité lofi) est sublimée par ces nouvelles versions.

Un disque qui nous coupe de nos certitudes ne peut pas être mauvais.

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