La pire nuit #2: dDamage « Si ton mari ne rapplique pas, je défonce les arbres de ton jardin ! »

En cette drôle de période, où on ne peut ni sortir, ni voyager et encore moins partir en tournée, j’ai proposé à des groupes que j’aime de me raconter « leur pire nuit, le pire endroit où ils aient dormi en tournée, dans un esprit ‘Trip advisor de l’enfer’ ». Je n’imaginais pas ouvrir la boîte de Pandore.

Deuxième épisode avec un souvenir dément (dans tous les sens du terme) d’une tournée de dDamage, raconté par JB Hanak. Le dernier album du duo est sorti cet automne. Il s’appelle ‘Brother vs brother’ et dans le genre fessée electro punk on ne peut pas trop rêver mieux. (Je l’ai chroniqué ICI d’ailleurs)

2005 Catania dDamage / Stuntman5 : Tournée italienne. Deuxième semaine sur la route.

Nous accostons en Sicile et partons en direction de Catania. Nous sommes cinq. Mon frère Fred et moi, puis les mecs de Stuntman5, Christian et Benoit. Thomas nous accompagne sur la tournée pour conduire le van et nous aider pour le matériel. Thomas est au volant, focalisé sur la route sinueuse aux ravins toujours plus effrayants. On enquille deux grosses heures de route jusqu’à la Salle.

Le Madeleine Café.

On a l’habitude de jouer dans des lieux pourris. Mais le Madeleine n’a de Café que le nom. Au pire, on se serait attendu à un bar avec système son craignoss. Même pas. Ici, c’est une crêperie. Il n’y a pas de scène. Le patron a bougé les tables de fond de salle et disposé deux grosses enceintes de chaîne hi-fi en façade. A nous de nous démerder sans ingénieur du son. Le ton est donné : le concert de ce soir va être merdique. Installation et balances dans le restau pendant que les clients sont en train de dîner. Ambiance famille, enfants et nourrissons en poussettes. Premier réglage, un son de synthé. Un bébé faisait la sieste, immédiatement il pousse sa gueulante du réveil. Sa mère me fusille d’un regard haineux.

Le patron parle français, on ne connaitra pas son nom. Pour nous, c’est « Gros Papa » ; simplement parce qu’il est gros comme une barrique et qu’il nous accueille avec ses deux fistons: deux molosses d’une trentaine d’années qui ne parlent pas.

Après 10 jours à manger du sandwich triangle, Gros Papa nous met bien. Haut niveau culinaire : galette à la calabraise, crêpe salée au mascarpone, deux desserts et le meilleur café de toute la tournée en point d’orgue. Gros Papa nous enchaine au digestif, il aime vivre et c’est contagieux.

Nourris comme des rois, nous sommes donc un poil moins déprimés lorsqu’il faut rentrer sur scène. Christian et Benoit débutent le concert de Stuntman5. Outre le son de piètre qualité, la crêperie envoie vraiment faiblard concernant le volume. Un set plus calme qu’à l’habitude pour la première partie. Stuntman5 essuient les plâtres avec une heure de concert relax. Aucun morceau agressif, alors que la salle se remplit progressivement. Gros Papa et ses deux molosses de fistons congédient les clients afin de pouvoir dégager les tables. Sur la fin du set de Stuntman5, l’ambiance commence un peu plus à décoller.

La crêperie est blindée de monde, c’est à notre tour. Fred et moi, sur le semblant de scène. Impossible pour nous de jouer faible. Ça ne sera pas la première fois. dDamage : mieux vaut avoir un son infect à haut volume que le contraire. Je pousse le potard de sortie générale au maximum. On est partis pour une heure de dDamage ultra cradingue.

Plus aucune table dans la salle, Gros Papa ne sert plus qu’au bar. Le Madeleine Café est gavé ras la gueule de spectateurs allumés au possible. Les morceaux ont été enchainés en montée perpétuelle. Pour ne pas obstruer le système de diffusion, il nous faut simplement veiller à ne pas superposer trop de couches d’instruments. Pour le coup, je favorise le chant et laisse Fred improviser ses parties instrumentales en config minimale. Public à fond, final hurlé, on plie.

Aux anges, Gros Papa nous rejoint en applaudissant, à chanter du je ne sais quoi dans un italien enjoué. A sa main, une énorme pinte de liquide rouge et rondelle de citron qui flotte. C’est pour moi. Gros Papa me fourre le verre en pleine gueule, en faisant couler d’un levé de coude brusque, la moitié finit sur nos câbles. Je sais pas ce qu’il ce qu’il me fait boire. C’est rudement fort et vraiment dégueulasse.

« Gros Papa, je préfère une bière ! Je peux avoir une pinte de bière ?
– Tu as tout ce que tu veux, pour boire gratuit, tu demandes à ma femme, c’est elle qui sert au bar ! Mais vous continuez le concert !
– Ah mais non, on a terminé !
– Quand je fais jouer les groupes ici, c’est minimum trois heures. Le public ils veulent encore, il faut faire une heure de concert en plus.
– Bon, Papa, laisse nous un peu de temps. Tu parles au public et tu dis qu’on fait une pause. On va faire un rappel d’une demi heure»

Il me faut une pinte. Au bar, la Mama, elle ne parle pas un mot mais c’est pas un problème. Je peux commander une bière dans tous les pays du monde. « Una birra grande per favore. » Impecc. La madame me sert gratos. Cul sec, j’en commande une seconde, puis une tournée générale pour convaincre mon frère et les mecs de Stuntman5 d’enchainer sur un rappel en impro tous les quatre.

Dernière ligne droite: trente minutes à assurer. Niveau instrumental, Fred et moi passons vitesse supérieure. Benoit à la batterie, Christian à la guitare. Regain de patate, on assure un bordel irréprochable. Gros Papa n’a pas intérêt à se plaindre, on lui fournit du rab très sévère. Le Madeleine Café bien secoué comme il se doit.

 

Le concert terminé, je fonce immédiatement vers le bar pour passer commande. La Mama, je lui demande trois grandes bières. Elle refuse de me servir. Le changement d’ambiance est incompréhensible. En premier lieu, j’imagine le service terminé. Mais dans ces cas-là, les salles font toujours exception pour les musiciens. Puis, il y a un  truc que je n’arrive pas à saisir : la Mama continue à servir les clients. J’ai beau insister, la bière gratoss c’est terminé. Alors, il est où Gros Papa ?

 

A la recherche de Gros Papa

Je le cherche dans la salle, alors que les deux fistons molosses commencent à doucement diriger la clientèle vers l’extérieur. Mes collègues s’attèlent au rangement du matériel : « Les gars, vous avez pas vu Gros Papa ? Je le cherche comme un fou furieux, impossible de le retrouver ! » Négatif. Foutre Dieu. Personne ne sait où ce gros lard est passé. Je vais voir Thomas :

« Thomas, tu as choppé le cachet ? Il nous doit combien le Gros Papa ?
– 800 euros. Mais je sais pas où il est, j’ai pas l’argent.
– Putain, t’aurais du t’en occuper avant, bordel…
– Mais j’étais au merch.
– Fous notre matos en lieu sûr et viens chercher ce connard avec moi. »

Deux tours de salle, visite de cuisine, passage aux chiottes et aller-retour à l’extérieur. L’essentiel de la clientèle est sur le devant du Madeleine, dehors, à terminer les consos et fumer des clopes. Nous scrutons la foule à plusieurs reprises. Rien à faire, Gros Papa a disparu.

Une fois le matériel plié, on avertit Fred, Christian et Benoit. Alerte rouge, il faut absolument récupérer notre pognon. Le public a été évacué, nous sommes tous les cinq à l’intérieur du restau, en compagnie de la Mama et sa progéniture. Il faut que je garde mon calme. 800 euros, bordel ; elle doit bien avoir ça dans sa caisse la vieille.

Derrière le comptoir, les deux molosses sont à ses côtés, ils me matent de travers. « Nous voulons notre argent, il est où le patron ? » Démarrage de la grande Commedia, elle me jacte en italien. Pas un mot d’anglais, français encore moins, elle me parle super vite, en hurlant. A peine le temps de lui placer : « Euros ! Moi euros ! Denaro ! », Mama reprend à toute allure en montant d’un ton. A m’en percer les tympans. Je comprends rien à ce qu’elle raconte et ses deux fistons restent derrière, regard méchant, bras croisés immobiles.

Benoit, à son tour. Il arrive avec les contrats signés pour les montrer à la mère. Le doigt pointé sur la partie où est inscrit le montant de notre salaire. Sans surprise, la grosse mama l’ignore. « Sérieux Benoit, on est en pleine Sicile, il est minuit trente, tu crois vraiment que c’est avec un papelard qu’on va régler la situation ? » La messe est dite, l’un des deux molosses s’empare du contrat et le déchire en fixant Benoit. Je crois qu’ils nous invitent à partir.

Du fin fond de son enfance, Christian tente de puiser les résidus d’un parlé italien restreint. Il s’adresse à la mère, du coup étonnée de voir la barrière du langage légèrement ébranlée. L’impossibilité de communication était leur stratégie première, raison pour laquelle l’un des deux fiston redouble de méthode pour fermer la gueule de Christian : bim, il lui colle une gifle dans sa tronche. Comme quoi, on peut parfaitement communiquer sans parler la même langue. Notre équipe est au grand complet devant le comptoir: on hurle à gorges déployées. Pointe de volume en nette domination par la Mama et sa gueulante de poissonnière. Ça hurle, mais on ne passe pas à la castagne. Le second fiston a ouvert la porte de sortie, il balance comme un sagouin notre matériel à l’extérieur: humiliation publique devant les spectateurs restés face au Madeleine à discutailler. Pas la peine d’insister. On sort.

« Comment ça va Christian ?
– Putain, mon pote… C’était juste une gifle. J’imagine même pas la force qu’il doit avoir lorsqu’il fout un coup de poing… J’ai vraiment cru que ma tête allait s’arracher.
– On peut pas rester comme ça, putain, ils nous ont volé 800 balles !
– Franchement, Jb… Faites ce que vous voulez, moi je vais ranger le matériel dans le van. »

Habitués aux plans de merde depuis toujours, Fred et moi gardons espoir. J’explique à mon frère que je ne veux pas partir, lui me répond : « Jb, moi non plus, on reste un peu, je vais essayer de trouver de l’herbe à acheter dans les gens du public ». Bien que nos motivations divergent, nous sommes tous les deux partants pour rester. Bordel, bâtards, salopes, je m’accroche encore, il nous faut ces 800 euros. C’est pas possible autrement.

Benoit est de retour : « Tout est emballé, on est prêt à partir les mecs.
– Benoit, on part pas. Mon frère tente de trouver de l’herbe. Et moi je ne bouge pas d’ici tant qu’on n’a pas notre pognon.
– Putain, nan mais c’est pas possible, j’en ai ras le bol de ces plans de merde ! J’en ai ras le cul de cette tournée ! On s’en va.
– Ecoute, Benoit, moi je veux le pognon. Tu vas pas essayer de m’en dissuader ?
– Merde, putain vous êtes insupportables ! Moi je vais vous attendre dans le van, essayez de faire vite. »

 

Fabio Ange Gardien

La porte du Madeleine Café est fermée, super imposante et impossible à défoncer. Honnêtement, je suis perdu. Par orgueil je n’avouerais pas aux autres, mais là tout de suite, je commence à réaliser qu’il n’y a plus rien à faire. Tout est perdu, on s’est fait entuber et c’est bien par déni que je reste planté à espérer une solution miracle. Fred est de retour :

« Jb, j’ai trouvé de l’herbe.
– Putain, mais je m’en branle, je veux les 800 balles. Enfoirés !
– Attends, écoute. Je te présente Fabio. C’est lui qui m’a vendu de l’herbe. Il a quelque chose à te dire… »

Le petit gars, à peine vingt ans, me fait un sourire comme pour me réconforter, alors que je suis total au fond du trou. Rien ne peut me sauver. Fabio, c’est un habitué du public. Il parle un français approximatif qui, au fin fond de cette Sicile merdique, sonne immédiatement joli à mes oreilles :

« Je viens à tous les concert au Madeleine depuis trois ans !
– Ouais ? Tu les connais les gérants Fabio ? Tu peux nous aider à aller leur parler ?
– Ils sont partis, ils font toujours la même chose avec les musiciens étrangers, ils paient pas. Et là il n’y a plus personne à l’intérieur, ils sont partis par la sortie derrière la cuisine. Ils sont rentrés à la maison.
– Bon, bah on est foutus… C’est ça que tu voulais me dire Fabio ?
– Non ! Moi, je veux te dire que j’aime pas ce qu’il font ! C’est des salauds ! Des voleurs !
– Je sais.
– Moi, le patron, je connais où elle est sa maison ! Il habite à 5 minutes en voiture d’ici, pas loin de ma maison à moi !
– Sérieux ? Tu peux nous montrer le chemin ?
– Oui ! Vous m’emmenez, vous me déposez chez moi. Moi je veux pas qu’ils me voient, sinon ils voudront plus de moi aux concerts. Mais vous me déposez, je vous montre la maison et vous faites ce que vous voulez.
– Ok, Fabio, on y va tout de suite !
– Le patron je l’aime pas, si vous faites la Vendetta je suis content.
– Go, go ! »

De retour tous les trois vers le van, Fred jubile : « Vas y on va les défoncer ces fils de putes, on va leur montrer c’est quoi dDamage ! ». Perso, je reste silencieux mais n’en pense pas moins. Thomas enclenche le moteur : « Putain c’est pas trop tôt ! Bon, on rentre dormir, ce soir on a un hébergement dans une auberge de jeunesse.
– Nan, nan Thomas. On va chez le Gros Papa tout de suite. On a son adresse ! »

On le voit de suite sur son visage, vraiment, Thomas, il aime pas ça. Rien à foutre, on fonce. « Benoit, change de fauteuil, tu laisses la place du mort à Fabio, il va nous guider. » Cinq minutes, juste cinq minutes et on va les retrouver ces salauds.

Christian proteste immédiatement : « Mais putain les mecs vous êtes pas fous ? Vous avez vu la baffe que je me suis pris dans la gueule ? Moi j’y retourne pas ! Sérieux, je suis ok pour laisser tomber ma part du cachet ! Je veux pas me battre avec eux ! »

Ils ont beau jacter, moi je suis obsédé par l’idée d’y foutre la Révolution Française dans sa baraque à l’autre enflure de Gros Papa. Pas la peine de parler avec mon frère – je le sais – il est de mon côté. Thomas est ok pour nous conduire : « Mais moi je reste dans le van, je viens pas avec vous j’ai pas envie de me faire déglinguer. » Grâce à Fabio, la fougue de la jeunesse m’est communicative. Je le sens bien, j’ai un regain d’énergie : « Ok les mecs, asseyez vous sur votre part du pognon, pas de problème. On y va juste Fred et moi. Si on récupère les 800 euros, c’est juste pour lui et moi. » Fabio nous guide. Silence. Gros Papa, tient toi prêt.

 

dDamage chez Gros Papa


On arrive. Portail sous clé. Baraque de riches, sur deux étages, fenêtres fermées, pas de lumière. Gigantesque jardin, un long chemin avec deux lignées de plantes exotiques de chaque côté. Des arbres tropicaux dans des énormes pots de terre cuite, montant à plus d’un mètre de haut. Ça pue le pognon.

Après avoir escaladé le portail, nous nous mettons en recherche d’un signe de vie. La devanture est clairement morte. Il faut se rendre derrière. Un jardin, des fleurs magnifiques par dizaines de variétés et couleurs. Toujours pas de lumière, à en croire qu’ils ne sont pas arrivés. Fred s’empare d’un râteau de jardinage : « Avec ça j’ai de quoi foutre un peu le bordel. Viens, on va frapper à la porte. »

Retour devant l’entrée. C’est parti, on tambourine leur grosse lourde d’aristos. Immédiatement, un chien se met à hurler à l’intérieur de la baraque. Clébard de merde, ferme ta gueule, nous on frappe plus fort que ses aboiements abrutis. Du tabassage en non-stop, moi à coups de godasses, Fred avec le manche du râteau. « Papa Euros ! Moi Euros ! Denaro ! Mama Euros ! Papa Euros ! » Trois minutes de bordel, puis, une lumière s’allume, enfin.

La porte s’ouvre. Mama avec ses deux fistons-molosses. Comme à l’habitude, les deux rejetons ne parlent pas. L’un des deux tient un berger allemand en laisse, l’animal est fou d’énervement et la vieille démarre son moulin à hurlement. Voix de crécelle mal huilée, elle jacasse un italien suraigu – ça me rend fou je lui hurle dessus : « Moi Euros ! Moi Euros ! » Rien à faire. Elle continue en boucle et ses deux abrutis de fils restent immobiles avec un regard des ténèbres. L’un des deux retient le chien en me regardant dans les yeux. Il a raison Christian, à bien analyser, si ce mec me fout une trempe, je risque le traumatisme crânien.

Son râteau à la main, Fred se met à hurler sur la vieille : « Je suis sur que tu comprends le français, grosse pute ! Je compte jusqu’à trois. Si ton mari ne rapplique pas, je défonce les arbres de ton jardin ! » Naturellement, la vieille, vu comme elle est partie, rien ne peut lui faire fermer sa gueule. « Un ! » Fred effectue des grands mouvements avec le manche de son râteau. Je ne sais pas si cette connasse a compris, peut être qu’elle simule de rien entraver. Mais si c’est pas le cas, elle va pas tarder à tout cappicce : « Deux ! » Fred se rapproche de l’un des immenses pots de terre cuite. Vu la gueule du truc, ça va pas résister longtemps aux coups de râteau. Les deux molosses sont toujours immobiles, le chien redouble d’aboiements et la vieille commence à s’étrangler en hurlant. « Trois ! » C’est pas solide ce pot, ça se sentait bien de toute manière, ces choses là, plus c’est cher plus c’est fragile et précieux. Le pot s’éclate en trois morceaux, dégueule son terreau par tous ses côtés alors que l’arbre exotique se casse la gueule. Fred balance des coups à n’en plus finir « Enculé, bâtard ! Lâche ton chien et je le tue à coups de râteau dans la gueule ! Ramenez moi Gros Papa ! Regardez ce que j’en fais de vos arbres de merde ! » Le merdier végétal s’en retrouve totalement détruit en moins d’une minute.


« Maintenant, tu regardes bien : je compte jusqu’à trois » Il fait signe, le chiffre trois en désignant un deuxième arbre. C’est bon, la vieille italienne entrave. « Tu comprends sale vieille ? Je compte jusqu’à trois et j’en éclate un deuxième ! Va chercher ton mari ! » Le chien a fermé sa gueule. Problème cyclique, la vieille ne pouvait pas rester en silence plus de dix secondes. Elle repart pour les hurlements, suivie par le clébard qui en remet une couche. Moi, immobile, je regarde les deux garçons en chien de faïence : je grogne doucement en les fixant pour leur faire comprendre que moi aussi je suis un sale clébard de merde comme eux. Fred compte de nouveau : « un ! » et recommence sa chorégraphie du manche de râteau. « Deux ! », on entend des pas qui déboulent les escalier à toute vitesse : « C’est bon Fred, tu peux t’arrêter. »

 

Mon ami Gros Papa

Le Gros Papa, enfin, il descend. En peignoir, précipité. A une vitesse d’affolement telle qu’il nous délivre l’espace d’une demie seconde la vision de ses couilles qui veulent s’échapper du vêtement. Fred s’est calmé. Gros Papa vient me parler. Ça fait du bien d’un coup. A deux doigts de perdre mon arrogance au jeu des gros yeux, je lâche les deux fistons du regard.

« C’est bon, c’est bon ! J’ai votre argent ! » Hypnotisé par ses couilles, je n’avais pas vu le principal : Gros Papa tient une grosse liasse de biffetons à la main.

« Dis à ton ami qu’il se calme ! J’ai l’argent !
– C’est pas mon ami, c’est mon frère.
– Tu dis qu’il se calme !
– Donne moi l’argent et il se calme.
– Dis qu’il se calme !
– Remballe ton chien et tout le monde se calme. »

Gros Papa, il jacte italien à ses deux fils et le chien ferme sa grande gueule. La vieille a terminé son spectacle, va bene, elle s’éclipse. Moi, devant, comme un con, je reprends un peu confiance – si ce n’est que j’ai toujours pas le pognon entre les mains. Gros Papa, je sens qu’il va encore tenter de nous la glisser à l’envers. Il s’adresse à moi de nouveau :

« Toi. Viens, tu viens dedans !
– Quoi ? Dans ta maison ?

– J’ai dis à mes fils qu’il ne te font pas de mal, d’accord ? Tu viens dedans.
– Pourquoi tu veux que je vienne chez toi ?
– Parce que je te respecte. Tu mérites l’argent, tu as du courage. Et comme je te respecte, maintenant je veux que tu deviennes mon ami.
– Enferme ton chien dans une autre pièce.
–  Viens dedans, mon fils il range le chien. On boit un verre d’amitié. »

J’ai du mal à avaler son cirque. A court d’idée, je me retourne pour regarder Fred, interrogateur. Lui sera toujours là pour me couvrir : « Franchement Jb, va à l’intérieur, bois un verre avec lui. Vous laissez la porte ouverte et si y’a le moindre problème j’arrive pour défoncer tout le monde. »

A l’intérieur de la maison, visite de courtoisie. Le Gros Papa m’invite à m’asseoir sur un beau canapé-cuir. Sa baraque, elle pète à la fois le fric et le mauvais goût, ambiance post-colonialiste à tête de sanglier au mur. Toujours silencieux, les deux fistons dans la même position : debout, bras croisés, saleté de regards en quadruple mauvais œil pointé. Leur clébard pourri est encore visible, dans un cellier dont la porte grillagée donne sur le salon. Enfermé, certes, mais toujours présent à me regarder en grognant. Je sens d’ici, il pue.

Le Gros Papa me sert une pinte. C’est sa mixture du début de soirée. Cette fois-ci, la recette m’est exposée : 50cl, un tiers de Gin, un tiers de Martini rouge, un tiers de jus de citron. Je grille une clope sans demander la permission. Gros Papa s’adresse à moi, sur un ton jovial :

« Je t’aime bien, tu es courageux ! J’aime la France, c’est comme les Italiens, c’est des courageux aussi ! Tiens, bois avec moi. » Il veut tester mon aptitude à la picole – pas de problème mon gros, tu sais pas à qui t’as affaire. Je vide le verre de moitié en quelques secondes. Saloperie. C’est imbuvable. Il continue : « Moi j’aime la France, j’aime Général de Gaulle, j’aime Maréchal Pétain. C’est des grands hommes. » Très sincèrement, je sais pas dans quel sens il veut aller avec ses conneries. Faut pas rentrer dans le débat. Gros Papa vide son verre, je dois suivre la cadence alors que le chien continue à grogner dans mon dos. Cette putain de porte grillagée ne semble pas solide ; si le clébard pique une crise d’hystérie, je sens qu’elle peut facilement sauter. La seconde moitié du verre m’est encore plus pénible, mais tenable, je termine.

Gros Papa continue : « Tiens, tu as très bien bu. Tu vois bien, on devient amis, je te donne l’argent ! » Gros Papa pose 400 euros sur la table pour ensuite refourguer le reste de la liasse dans sa poche de peignoir.

« Hé, Papa ! C’est 800 euros ! » C’est instinctif, j’ai gueulé sans réfléchir et, naturellement, le clébard taré se remet à hurler d’un coup. J’ai la pétoche.

« Dis à ton chien de la fermer et donne moi les 800 euros !
– Sicario ! Chiudi la bocca ! » Le chien s’appelle Sicario. Gros Papa jacte en italien à l’un de ses deux fils qui s’empresse d’aller tambouriner sur la grille. J’ai l’impression qu’il va la défoncer.

« Tu n’aime pas les chiens ?
– J’aime pas ton chien. Il gueule trop.
– Mon Sicario, il peut être très gentil si il t’aime.
– Un chien qui t’aime il est juste bon à frotter sa bite sur ta jambe. J’ai horreur de ça.
– Je suis sur que tu pourrais aimer mon Sicario.

– Gros Papa. Donne moi les 800 euros.
– Oui, je sais. Mais on devient amis. Tu vas aimer Sicario ! Maintenant, je te sers un nouveau verre.
– Donne moi les 800 euros !
– On boit un verre et je mets tout l’argent sur la table. Tu as 400 c’est pour ton frère et toi. On boit un autre verre à la santé de tes collègues, j’ai aimé leur concert aussi. On boit un verre et je te donne leurs 400 euros. Tu comprends ? On devient des amis maintenant ! »

 

L’amour de Sicario

 

C’est parti. Pinte remplie à ras-bord, la même mixture infecte. Je sens les deux fistons molosses derrière et j’ai peur de me retourner. Faut pas, ça serait comme exhiber que je suis pas en confiance. Ne pas montrer sa peur aux chiens. Les chiens ont peur de leur maître ; alors que, si t’as pas de maître, t’as peur de rien. Si tu méprises la peur, fais le pleinement ; ne le fais pas par crainte de te faire tabasser par ton con de maître. J’aimerais exterminer tous les chiens de cette planète, en finir avec leur saloperie de radar à sentiments mal réglé, qu’ils comprennent et qu’ils regrettent leur stupidité d’imbéciles soumis. C’est pour ça que ça pue la merde ici : les chiens ils chient partout pour marquer le territoire. Ils sont tellement cons qu’ils vont jusqu’à manger leur propre merde, de peur que leur maître découvre leurs saloperies. Ils sont sales et ils ont l’arrogance de montrer qu’ils en sont fiers, sauf devant leur maître. Leur con de maître. Lui qui est la seule personne ayant le droit de les tabasser. Je suis persuadé qu’un chien, il finit toujours par éprouver du plaisir lorsque son maître le tabasse. Parce que c’est sale un chien. C’est sale et c’est bien pour ça qu’ils puent autant de la gueule, ces horribles mangeurs de merde, avec leurs vieilles langues puantes de pauvres bâtards débiles.

Je m’enfile un tiers de pinte et une horrible envie de vomir me monte soudainement. Ça pue. Sicario, ferme sa gueule pour laisser parler Gros Papa : « J’aime beaucoup votre pays, la France. Toi, qui c’est que tu préfères ? Général de Gaulle ou Maréchal Pétain ? Moi j’aime les deux. Pourquoi les gens ils comprennent pas ? On peut aimer les deux. C’est des combattants ! » Son clébard ne fait plus que des grognements faiblards. Il a une terrible descente Gros Papa. Péniblement, j’arrive à tenir la cadence. Au second tiers de pinte, je sens les renvois me monter dans l’œsophage. Une chose est certaine : si je dégueule sur le beau tapis de Gros Papa, lui et moi on ne sera plus copains. Ok. Pour 400 euros je ravale mon vomi à l’aide d’une gorgée de pinte. Il continue son monologue : « Le Général ou le Maréchal… C’est comme aimer ton père et ta mère, on peut pas te demander celui que tu préfères ! »

Je n’avais pas ressenti un tel truc depuis ma première cuite d’ado : les murs qui bougent, le sol bascule jusqu’à la verticale. Le simple fait de rester immobile sur le canapé me demande faculté de concentration monumentale. Gros Papa continue à jacter. Je comprends plus rien, ses mots s’emmêlent avec les bruits du chien qui se rapprochent. J’avais pas calculé : son fils a ouvert la porte grillagée. Le clébard taré est juste à côté de moi. Sicario, il me regarde en grognant.


« Caresse Sicario, tu vas voir c’est un bon chien. » Ma vision est altérée, je n’arrive plus à estimer les distances, il me faut tendre la main. Mal visé, mes doigts rentrent en contact avec sa truffe froide et mouillée. Sicario me lèche la main à plusieurs reprises, l’effroi renforce mon envie de dégueuler. J’ai peur, je perds pied et me noie dans les paroles incessantes de Gros Papa : « La moustache du Maréchal, c’est une belle moustache ! La moustache du Général… C’est très important la moustache. Pendant la guerre, un chef il doit se faire respecter. La moustache, ça impose le respect et la crainte de l’ennemi… » Il termine sa pinte. Moi aussi je vais y arriver : le verre à mes lèvres, tremblote maitrisée dans la détermination du lever de coude. Cul sec. J’avale. Contrôle. Plus aucun renvoi ni reflux gastrique. Il balance les 400 euros sur la table. Son chien recommence à grommeler mais j’en ai plus rien à foutre, c’est gagné. Je tends la main, lentement. Ne pas faire de mouvement brusque – simplement, tendre ma main pleine de bave canine. La tendre tout droit, vers cette table qui bouge trop vite.

« Attends ! Ne prends pas l’argent.
– Quoi ? Tu m’as dit un deuxième verre, 800 euros.
– Oui.
– Bah, Gros Papa, c’est bon.
– Non. Les deux verres, c’est pour que je pose l’argent sur la table. Maintenant, Sicario il t’aime. Je veux boire à votre amour. Ça me rend heureux.
– Gros Papa, j’aime pas Sicario.
– Lui il t’aime. On boit un dernier verre et tu vas l’aimer. Après tu prends l’argent. Pour l’instant, il reste sur la table.
– Ah non, je bois pas un troisième verre. Même toi, tu devrais pas en boire un troisième, on va crever !
– Non ! Non ! Tu comprends pas ! Mon ami ! Ça y est, tu es mon ami ! On boit juste un petit verre. Un tout petit verre de l’amitié. »

 

Le lait du sein gauche de ta belle mère

Gros Papa ordonne aux deux garçons de ramener une bouteille et des verres. Ça me fait beaucoup moins peur lorsque ces deux abrutis ramènent l’attirail : les deux verres ont la taille de petits dés à coudre. De quoi y foutre quatre centilitres au grand max – ça peut encore passer, je crois, juste, si on s’en fait un seul, un seul cul sec. Ça va aller.

On se fait servir par l’un des deux fistons. Gros Papa continue à me raconter sa vie, il n’arrêtera jamais, il a encore plein de conneries à me dire, ma caboche vrille à toute vitesse. Le clébard pousse des gémissements de complainte, il comprend ma souffrance, il m’aime, il a vraiment l’air inquiet pour moi. Insupportable. Un chien, quand ça gueule pas, c’est parce que ça chiale. Je veux pas de ta pitié, sale clébard, ni de tes couinements, ni de ton amour de crétin à cervelle molle. Sicario le meurtrier, il ne faut surtout pas que je l’aime. Dès que je lui accorderais ma confiance il me sautera dessus pour me déchirer à la gorge. Je ne veux pas mourir ici. Là, de suite, s’il m’arrive malheur, je n’aurais pas la force de crier pour appeler mon frère.

Juste un tout petit verre à boire. 

« Tu sais, en France, vous avez l’alcool interdit, c’est l’alcool des poètes. L’absinthe ! Nous aussi, en Italie, on a la boisson des fous. C’est illégal. C’est fabriqué en Sicilia. Tu bois juste un tout petit verre avec moi, c’est un souvenir de Sicilia, d’accord ?
– Oui. »

Le fiston, il verse dans les deux dés à coudre et là je me rend compte du bordel : c’est pas liquide. Le truc met du temps à couler, une sorte de mélange glaireux très épais, comme du sirop pour la toux mélangé à de la rejection de nourriture transparente. Oh Dieu, qu’est-ce que c’est…? Calme, Sicario se pose aux pieds du Gros Papa qui le caresse en me parlant :

« C’est connu en Sicilia. Le nom de cet alcool, c’est « Le lait qui sort du sein gauche de ta Belle-Mama », bois ton verre, tu vas aimer…
– Mais c’est quoi ce nom ? Pourquoi ça s’appelle comme ça ?
– Tu bois, je t’explique après. »

Très bien, on s’approche de la fin. Un simple cul sec me séparant du pognon, il faut ingurgiter son horreur et ensuite je me barre. On trinque. Gros Papa, à la tienne. Vieux connard. J’englouti le dé à coudre rempli de morve, puis empoigne le pognon. Et soudain, cette horreur me prend : paralysé, un incendie de poitrine, ma gorge toute nouée, j’ai l’impression d’avoir bu de la lacrymo. Noyé dans une quinte de toux inhumaine, le vomi commence à me sortir par le nez.

Gros Papa est hilare de toutes ses forces. J’entends ses deux fistons qui explosent de rire avec lui. Même le chien semble se foutre de ma gueule. Moi, j’en finis pas de m’étrangler ; et là, victorieux, Gros Papa me hurle à la face toute sa satisfaction : « Parce que, mon ami, tu sais ! En Sicilia, ta Belle-Mama : C’EST LE DIABLE ! » Les rires et aboiements repartent pires. J’ai le pognon, je puise au fond de mes ressources de forces pour sortir de ce foutu canapé mouvant.

Les rires résonnent, agressifs, en boucles sadiques infinies mêlées aux hurlements de clébard. Je suis debout, le sol bouge alors que j’essaie de retrouver le chemin de sortie. Sicario se lève, énergique, il me fixe des yeux. Mes biffetons dans la main, c’est le plus important, je les serre de toutes mes forces. La porte est à cinq mètres. Cinq mètres à parcourir qui en deviennent dix. J’avance, d’une lenteur cauchemardesque. Leur hilarité sataniste dans mon dos : clairement, si ils veulent me tabasser, ils peuvent le faire maintenant sans aucun problème. Lancer le chien à l’attaque pour me tuer : je suis incapable de voir quoi que ce soit arriver, encore moins de me défendre. La porte se rapproche. Fred. Je dois tendre les bras. Putain, Fred ! Je ne le vois pas. « Fred ! Aide moi, Fred ! Au secours ! J’arrive pas à marcher ! » Le simple fait de respirer devient trop difficile. Il ne va pas m’entendre. A chaque mot exprimé se libère une pression dans ma cage thoracique. Reprise de respiration par à-coups insuffisants. « Fred ! Fred ! » Il m’attrape le bras. Enfin, je me retrouve dehors.

« Ferme la porte, je veux pas qu’ils me voient gerber.
– Jb, t’as le pognon ?
– Ferme la porte, leur chien est fou.
– Génial !  t’as le pognon !
– Fred, garde le râteau, j’ai peur. »

Moi aussi j’ai dégradé une plante exotique. Je lui ai restitué un litre à dégueuler comme un arraché dans son pot. Mon cœur bat à deux cent à l’heure, la tête dangereusement froide et les veines du front prêtes à péter. Le van. Il nous faut aller vers le van, il n’y a qu’à l’intérieur du van que je me sentirais en sécurité. Je dois marcher. Première tentative : je m’éclate la gueule instantanément dans le jardin. Relevé par mon frère ; je suis handicapé, de toute ma vie je n’arriverais plus jamais à marcher. Il me porte, on arrive.

Au démarrage, la retombée du stress me fait éclater en sanglots, je hurle sur Christian et Benoit : « Vous êtes des baltringues, vous êtes des grosses baltringues de merde tous autant que vous êtes. Vous nous avez laissé partir seuls, le pognon maintenant c’est pour Fred et moi. On vous donne rien. Vous aurez pas un centime de l’argent du Maréchal ! » Non stop, jusqu’à l’arrivée à l’auberge de jeunesse, je leur gueule dessus. Je suis dans un état lamentable, un éthylisme extrême comme jamais. « Moi j’ai caressé Sicario ! Vous comprenez bande de cons ? Le Gros Papa c’est un gros bâtard, il m’a fait téter sa Belle-Mère, c’est mes 800 euros personne n’y touche ! Je donne la moitié à mon frère, parce que je l’aime mon frère ! Oh… Fred, oh, je t’aime ! Fred je t’aime ! Je t’aime ! »

L’auberge de la dernière chance

Le lendemain, 8H du matin. Mon réveil est affreux. J’ai une migraine à m’en faire préférer la mort. 

L’Auberge de Jeunesse. Il y a plein de filles italiennes qui n’arrêtent pas de se balader dans les couloirs. Elles hurlent non stop. Aucune engueulade, juste leur manière de communiquer – avec un mépris affirmé à l’égard du sommeil des résidents. Dans notre dortoir, tous les quatre, je suis le seul à être réveillé. L’impression d’être à moitié mort : mon épisode de la veille se répercute par d’horribles vagues de douleurs prisonnières d’un corps désespéré. La déshydratation en cause première d’un risque de mort imminente, il faut que je boive. Sur la table de nuit, je vois une bouteille de jus de pomme. Je la soupèse, elle est remplie.

Fred se réveille, il pousse un cri affolé, à en réveiller les trois autres dans le dortoir. « Jb ! Non ! » J’en suis à ma deuxième grosse gorgée – comme chaque matin, je bois de manière compulsive. Cette boisson possède un gout chimique, âpre, terriblement agressif. Alarmé, mon corps rejette de pleine force, je crache par terre. Fred continue à hurler « Jb ! Putain t’es débile ! C’est pas du jus de pomme, c’est ma pisse ! » Horreur. Arrivée au cerveau, l’information embraie sur la fonction rejet immédiat : je dégueule sur le plancher. Je tombe. A terre, j’essaie de retenir mon corps avec ma main qui glisse, entrainant mon visage dans la flaque de vomi de pisse.

« Putain Jb, tu as perdu connaissance hier soir, t’as rien vu ! Cette Auberge c’est la zone ! On a failli se faire cambrioler notre matériel. On s’est fait embrouiller par des  racailles. C’était super tendu dans les couloirs toute la nuit ! Alors on s’est enfermés dans la chambre en se donnant l’interdiction de sortir. Même pour aller aux chiottes ! »

J’ai pas fini de gerber sa pisse. Remontent ensuite les résidus d’hier, mélangés à ma bile, alors que mon cœur tire la sonnette d’alarme. C’est plus possible du tout d’infliger de telles tortures à mon corps. Des larmes de souffrance en réaction nerveuse. Insupportable, il me faut de quoi me rincer le gosier. Vite.

Un reste de bouteille de whisky traine dans la chambre. Je me tape une rasade de gnôle au réveil, à jeun. Trois bonnes gorgées et je cours vers la douche, bouteille en main. Il faut passer aux gargarismes.

 

Cadeau d’adieu

De retour dans notre chambre, tout le monde est prêt. Il faut partir, je veux pas rester ici. La tournée continue, nous devons bouger pour donner un concert à Pescara. Nous partons charger le van et saluons au passage le type de l’accueil avant de sortir. Il refuse de nous laisser partir. Notre chambre reste à régler. C’est le cadeau d’adieu de Gros Papa.

« Putain, ce bâtard de Gros Papa il a pas réglé la chambre ! » Nous demandons au réceptionniste de téléphoner à la Crêperie de ce vieil escroc. Rien à faire, on aura aucune réponse. Je sors la liasse et règle la chambre.

Jb Hanak

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