Les rapprochements entre punk rock et religion sont légion aux USA (rares sont les domaines qui échappent à Dieu là bas d’ailleurs). Un peu comme les premiers punks, les mormons ont connu une popularité relativement « underground » au lancement de leur religion, menés par Joseph Smith, fondateur de leur église, personnage ambivalent, à la fois opposé à l’esclavage, adepte de la polygamie et voyant en herbe que pas mal de gens accusèrent d’être un charlatan. Il n’eut pas le loisir d’assister à l’expansion vers le mainstream de sa secte, installée après son assassinat à Salt Lake City en Utah (et qui compte aujourd’hui plus de 6 millions de membres rien qu’aux Etats-Unis). Et encore moins de pouvoir écouter le groupe de musique préféré de ses plus jeunes adeptes: Fugazi.
La culture « straight edge » (qui prohibe drogue, alcool et dans certains cas tout ce qui peut être considéré comme distractif du sexe, au café en passant par le sucre) fut lancée sur un malentendu (c’est lui qui le dit) par un jeune punk rocker de Washington DC, Ian Mckaye, alors membre de Minor Treat et auteur du titre « Straight Edge »:
i’m a person just like you
but i’ve got better things to do
than sit around and smoke dope
cause i know that i can cope
laugh at the thought of eating ludes
laugh at the thought of sniffing glue
always gonna keep in touch
never want to use a crutch
Un morceau direct (00:45 au compteur) qui réagit (à mon avis) à l’apathie d’une partie de la scène punk rock de l’époque plus occupée à sniffer de la colle en se peignant la crête qu’à s’engager politiquement, socialement et renverser la vapeur (Reagan arrive au pouvoir un an plus tard). Si Ian McKaye garda en toute circonstance la tête haute (refusant par exemple toute sa carrière les interviews avec les magazines faisant la publicité des cigarettes et de l’alcool), il renia l’étiquette de fondateur du mouvement straight edge qui fit les beaux jours ensuite de la scène hardcore new yorkaise (qui fricota aussi avec la religion, l’hindouisme notamment) et plus généralement de générations qui tentaient de remettre en cause le système dominant. Cela n’empêcha pas toute une tripotée de jeunes mormons à qui les drogues récréatives et le sexe pré-marital étaient interdits de voir dans Fugazi, la formation suivante de McKaye la voie céleste à suivre.
L’ouverture d’esprit du roi du DIY et fondateur de Dischord Records prit fin un soir de concert à Salt Lake City en 1996 quand un jeune membre du public fut poignardé par deux membres d’un gang mormon (ne riez pas, ça existe) pour avoir fumé une clope devant la salle. Pour quelqu’un qui trouvait déjà le « stage diving » trop violent, on imagine bien le malaise de McKaye qui devait se demander le rapport entre son groupe et des jeunes mormons allumés.
Le groupe condamna évidemment ce comportement hallucinant et ne joua plus jamais en Utah. Et les mormons de leur côté? Et bien depuis ils doivent affronter un gang rival à Salt Lake City qui porte le doux nom de SMP pour Smoke More Pot.