TNT de Tortoise: le malentendu post rock

Il est toujours extrêmement violent pour un groupe d’être réduit à une étiquette musicale. D’abord parce qu’elle correspond souvent à une simplification opérée par la presse et les maisons de disques afin de rendre plus intelligible auprès du public une démarche artistique (comprendre: vendre des disques à des gens pressés et un peu cons). Ensuite parce qu’elle laisse penser que les musiciens doivent nécessairement suivre le même chemin tracé à l’aube de leur carrière. Ce qui quand on n’a pas décidé de s’adonner aux drogues dures et à la collection d’armes à feu en visant la trentaine comme ligne d’arrivée maximale, laisse peu de place à la fantaisie.

Le terme post rock colle aux basques de Tortoise comme une verrue à un pied nu. En réécoutant, TNT sorti il y a 20 ans et quelques mois, on réalise à quel point l’étiquette est réductrice pour un disque beaucoup plus important pour la musique électronique que pour ce fameux « rock » à guitares/basse/batteries.

TNT selon moi reprend les recherches du minimalisme américain et les fait rentrer dans la modernité. D’abord parce que le groupe enregistre son disque en expérimentant avec joie sur les systèmes MIDI capturés à l’aide de disques durs (ne riez pas c’était nouveau à l’époque). Il peut ainsi travailler sur des séquences électroniques et les adoucir à l’aide de tessitures chaleureuses. A ce titre, le jeu des guitares (David Pajo en provenance de Slint et Jeff Parker) notamment fait des merveilles dans cette façon d’aborder les chaloupes latines avec une énergie presque hardcore, pas loin du travail de l’ex skater pro Tommy Guerrero (dont le premier disque sort aussi en 1998).

Il est assez drôle de relire avec le recul la chronique du NME (4/10) qui parle de vide intersidéral et d’ego démesuré des musiciens de Chicago (ça sent le règlement de compte perso). A mille lieux de la démo jazz fusion (parfois reprochée aux lives plus récents de Tortoise), ce disque est celui d’un groupe qui s’efface totalement derrière une approche cinématique qui envoie la rigueur glacée du kraut rock se faire voir à Tijuana. On retrouve ici l’ambiance délurée de Bitches Brew de Miles Davis jouée par des geeks en chemises à carreaux passionnés d’informatique. Et à ma grande surprise, ça marche.

Sorti en plein boom des musiques électroniques, TNT est un vivier d’idées dont la production a extrêmement bien vieillie. Elle annonce des disques du groupe peut-être plus audacieux (Standards notamment) mais reste une pierre angulaire de la musique instrumentale mondiale dont on dénote encore aujourd’hui l’influence (dans la musique de films actuelle notamment).

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